Revue de presse

"Les aumôniers Témoins de Jéhovah interdits de prison" (Le Monde, 29 mai 10)

2 juin 2010

"Pour le ministère de la justice, la question semble tranchée : « Il n’y a pas de raison que les Témoins de Jéhovah (TJ) aient des aumôniers spécifiques dans les prisons ». Cette position devait être défendue, vendredi 28 mai, devant le tribunal administratif de Paris qui examine cinq affaires sur ce thème. « Comme tous les détenus, ils peuvent pratiquer. Et comme n’importe quel détenu, ils peuvent rencontrer n’importe lequel des 1129 aumôniers [d’autres cultes] intervenant en prison », fait-on valoir au cabinet de Michèle Alliot-Marie, en dépit d’une jurisprudence régulièrement défavorable à l’administration dans ce type de dossiers.

Engagée depuis 2003 dans une trentaine de procédures pour permettre à ses ministres du culte de pénétrer dans les établissements pénitentiaires, l’association des Témoins de Jéhovah fait de ce droit la dernière étape dans son processus de reconnaissance par les pouvoirs publics. En 2000, le Conseil d’État lui a reconnu le statut d’association cultuelle.

Fin février 2010, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) a estimé que le refus d’aumôniers était « de nature à limiter l’exercice de la liberté de religion des détenus ». Fin 2009, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté un recours du ministère de la justice, qui avait refusé d’accorder un permis de visite à un ministre du culte des TJ, aux motifs que
l’association ne faisait pas partie des cultes habilités à intervenir dans les prisons et qu’elle figurait dans « un rapport de la Miviludes [Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires] comme mouvement sectaire ». Depuis 1997, six cultes sont autorisés à intervenir dans les prisons : catholique, musulman, protestant, juif, orthodoxe et bouddhiste.

D’autres refus sont motivés par le faible nombre de détenus Témoins de Jéhovah dans l’établissement pénitentiaire. La Halde estime que cet argument, qui n’est pas utilisé pour les autres religions, « constitue une rupture d’égalité devant la loi ». Le plus souvent, un droit de visite simple est accordé au ministre du culte mais, selon les cas, il a le droit, ou pas, de se présenter au parloir avec une Bible. Le directeur d’une maison d’arrêt a justifié ainsi son refus : « Il ne me paraît pas souhaitable que des locaux de visite très fréquentés par des familles deviennent des lieux d’exercice habituel de l’expression d’une pratique religieuse ». L’accès à une salle fermée est rarement autorisé.

Sollicité par l’administration pénitentiaire en avril, le président de la Miviludes, Georges Fenech, évoque les « dangers » que posent selon lui les TJ en termes « d’ordre public et de prosélytisme ». Interrogé par Le Monde, il reconnaît toutefois que ce dossier « complexe » pose la question de ce « la neutralité de l’Etat »."

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